Dans une perspective de lutte des classes et d’émancipation, on comprend assez vite en quoi la réduction des effectifs est une nécessité : ce sont les conditions obligatoires d’un réel échange entre prof et élèves, le prof n’assurant plus (ou en tout cas moins) un rôle de contrôle, mais plutôt celui d’un accompagnateur, d’une aide. Il faut être clair : aucune réforme de l’éducation voulant une réelle émancipation des élèves ne peut se dispenser de cette question. Si on veut que l’école soit un lieu d’apprentissage réel, de questionnement de critique, et donc un réel lieu de formation de citoyens, il faut impérativement réduire les effectifs pour avoir des groupes permettant une communication plus horizontale, moins autoritaire.
Il faut aussi ajouter que notre esprit s’habitue à un peu toutes les situations, même les plus intolérables. Pour nous profs, le fait d’avoir des effectifs aussi considérables entraîne nécessairement des effets de généralisation et de déshumanisation. Par exemple, tous les lundis, 200 élèves différents se succèdent dans mes cours. Je vous assure, je suis quelqu’un de sympathique. Mais force est d’avouer qu’il m’est très compliqué de me souvenir toujours de l’ensemble d’entre eux, et totalement impossible de savoir si chacun d’entre eux a compris ce que je lui racontais, ou même s’ils ont passé un bon moment, s’ils se sont sentis bien.
La question du bien-être est d’ailleurs centrale, car cette situation crée une surcharge de travail pour les enseignants (par exemple de corrections, 12 copies de plus ou de moins correspondant à plusieurs heures de travail hors cours) ainsi qu’un épuisement professionnel immense, et pour les élèves aussi. On parle souvent entre profs de la souffrance adolescente, du fait que de plus en plus d’entre eux demandent à sortir car ils ne sentent pas bien. Mais on interroge beaucoup moins souvent le fait que chez certains d’entre eux, la souffrance est amplifiée, voire même créée, par la foule. Être enfermé des dizaines d’heures par semaine dans des salles étriquées avec trente personnes, ça ne fait pas rêver. Je vais peut-être vous choquer avec cette idée saugrenue mais : les enfants et les adolescents sont des êtres humains, et ce qui vous gêne ou vous fait souffrir, il y a de grandes chances pour que ce soit aussi le cas pour eux.
Source : Frustration Magazine
Thème(s) :
éducation, Enseignement, enfance, abandon, régression