La majorité décisionnelle a voté en faveur d’un État d’apartheid entre la Méditerranée et le Jourdain, dans lequel la démocratie disparaîtra lentement.
La décision n’est pas encore définitive. La démocratie israélienne a perdu une bataille. Elle n’a pas encore perdu la guerre.
Si elle n’en tire pas les leçons, elle perdra la guerre, aussi.
Toutes les justifications et tous les alibis de la gauche israélienne sont inutiles. C’est le résultat final qui compte.
Le pays se trouve en danger existentiel. Non pas un danger venant de l’extérieur, mais de l’intérieur.
Un Front du salut d’Israël s’impose aujourd’hui.
Nous n’avons pas d’autre pays.
TOUT D’ABORD, il faut reconnaître toute l’étendue du désastre et en assumer toute la responsabilité.
Les dirigeants qui ont perdu doivent laisser la place. Dans la bataille pour la vie de l’État, il n’y a pas de deuxième chance.
La lutte entre Isaac Herzog et Benjamin Nétanyahou était un match de boxe entre un poids léger et un poids lourd.
L’idée d’un gouvernement d’union nationale est à rejeter et à condamner tout net. Dans un tel gouvernement, le parti travailliste jouerait de nouveau le rôle méprisable de feuille de vigne pour la politique d’occupation et d’oppression.
Il faut maintenant une nouvelle génération de dirigeants, jeunes, énergiques et novateurs.
LES ÉLECTIONS ont impitoyablement mis en évidence les profonds abîmes entre les différents secteurs de la société israélienne : orientaux, ashkénazes, Arabes, “Russes”, orthodoxes, religieux et d’autres encore.
Le Front du salut doit englober tous les secteurs.
Chaque secteur a sa propre culture, ses propres traditions, sa (ses) propre(s) religion(s). Tout cela doit être respecté ; le respect mutuel est le fondement de la société israélienne.
La fondation du Front du salut exige un nouveau leadership authentique qui doit émerger de tous les secteurs.
L’État d’Israël appartient à tous ses citoyens. Aucun secteur n’a la propriété exclusive de l’État.
Le fossé énorme et croissant entre les très riches et les très pauvres, dans une large mesure parallèle au fossé entre les communautés ethniques, est une catastrophe pour nous tous.
Le salut de l’État doit se fonder sur un retour à l’égalité comme valeur de base. Une réalité dans laquelle des centaines de milliers d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté est intolérable.
Le revenu des 0,01%, qui atteint les sommets, doit être ramené à un niveau raisonnable. Le revenu des 10% les plus bas doit être remonté à un niveau humain.
LA SÉPARATION presque totale entre les composantes juive et arabe de la société israélienne est désastreuse pour les deux et pour l’État.
Le Front du salut doit se fonder sur les deux peuples. L’abîme entre eux doit être supprimé, pour leur bien à tous les deux.
Les phrases creuses sur l’égalité et la fraternité ne suffisent pas. Elles manquent de crédibilité.
Il faut que prenne naissance une alliance sincère entre les forces démocratiques des deux côtés, qui ne s’exprime pas seulement en paroles mais dans une coopération quotidienne réelle dans tous les domaines.
Cette coopération doit trouver à s’exprimer dans le cadre de partenariats politiques, de combats communs et de réunions communes régulières dans tous les domaines, fondée sur le respect du caractère unique de chaque partenaire.
Seul un combat commun permanent peut sauver la démocratie israélienne et l’État lui-même.
LE CONFLIT HISTORIQUE entre le mouvement sioniste et le mouvement national arabe palestinien menace aujourd’hui les deux peuples.
Le pays entre la Méditerranée et le Jourdain est la patrie des deux peuples. Aucune guerre, aucune oppression, aucun soulèvement ne changera cette réalité de base.
Si ce conflit se poursuit sans fin, il va mettre en danger l’existence des deux peuples.
La seule et unique solution était et demeure leur coexistence dans deux États souverains : un État de Palestine libre et indépendant aux côtés de l’État d’Israël.
La solution à deux États n’est pas une formule de séparation ou de divorce. Au contraire, c’est une formule de coexistence étroite.
Les frontières de 1967, avec des modifications décidées d’un commun accord, sont la base de la paix.
La coexistence des deux États dans une patrie commune exige des structures de partenariat au plus haut niveau, tout autant que des frontières ouvertes aux mouvements des personnes et des biens. Elle exige aussi des accords de sécurité sérieux pour le bien des deux peuples.
Jérusalem, ouverte et unifiée, doit être la capitale des deux États.
La douloureuse tragédie des réfugiés palestiniens doit trouver sa solution juste, avec l’accord des deux parties. Cette solution doit comporter le retour à l’État de Palestine, un retour symbolique limité en Israël et le paiement d’indemnités généreuses à tous par des fonds internationaux.
Israël et la Palestine travailleront ensemble à obtenir la restitution des biens juifs laissés dans des pays arabes ou le paiement d’indemnités généreuses.
L’État de Palestine conservera ses liens avec le monde arabe. L’État d’Israël conservera ses liens avec le peuple juif dans le monde. Chacun des deux pays sera seul responsable de sa politique d’immigration.
Le problème des colons juifs en Palestine trouvera sa solution dans le cadre des modifications de frontières convenues entre les deux États, l’inclusion de certaines colonies dans l’État de Palestine avec l’accord du gouvernement palestinien et la réinstallation du reste des colons en Israël.
Les deux États coopéreront à la création d’un partenariat régional démocratique, dans l’esprit du “Printemps arabe”, tout en résistant à l’anarchie, au terrorisme et au fanatisme religieux et nationaliste dans l’ensemble de la région.
Les masses israéliennes et palestiniennes ne croiront pas aux chances de paix et de coexistence s’il n’y a pas de partenariat réel et ouvert entre les camps de la paix des deux peuples.
Pour instaurer un tel partenariat, des organisations et des individus de part et d’autre doivent dès maintenant entreprendre des actions politiques communes, telles que des consultations continuelles et des projets communs à tous les niveaux et dans tous les domaines.
LE CARACTÈRE JUIF de l’État d’Israël trouve à s’exprimer dans sa culture et ses liens avec les Juifs du monde entier. Il ne doit pas s’exprimer dans son régime intérieur. Tous les citoyens et tous les secteurs de la population doivent être à égalité.
Les forces démocratiques au sein de la population juive et arabe doivent se donner la main pour travailler ensemble dans leurs actions quotidiennes.
Les pressions internationales ne suffiront pas à sauver Israël de lui-même. Les forces de salut doivent venir de l’intérieur.
Des pressions du monde entier sur Israël peuvent et doivent aider les forces démocratiques d’Israël, mais elles ne peuvent pas prendre leur place.
LES VALEURS fondamentales ne changent pas. Cependant, la façon d’en parler à la population doit changer.
Les vieux slogans sont inefficaces. Les valeurs doivent être redéfinies et reformulées dans un langage d’aujourd’hui, en correspondance avec les concepts et le langage d’une génération nouvelle.
La solution de deux États a été définie après la guerre de 1948 par un petit groupe de pionniers. Depuis lors, d’énormes changements se sont produits dans le monde, dans la région et au sein de la société israélienne. Si cette conception elle-même reste la seule solution pratique au conflit historique, il faut la servir dans de nouveaux flacons.
Il y a un besoin d’unité politique, d’un front de salut rassembleur de toutes les forces de paix, de démocratie et de justice sociale.
Si le parti travailliste est capable de se réinventer de la base au sommet, il peut constituer le socle de ce camp. À défaut, il faut former un parti politique entièrement nouveau pour constituer le cœur du Front du salut.
Au sein de ce front, différentes forces idéologiques doivent trouver leur place pour s’engager dans un débat interne fructueux et mener en même temps un combat politique uni pour le salut de l’État.
Le régime doit assurer au sein d’Israël une complète égalité entre toutes les communautés ethniques juives et entre les deux peuples, tout en préservant l’affinité des Juifs-israéliens avec les Juifs du monde et l’affinité des Arabes-israéliens avec le monde arabe.
La situation dans laquelle la majeure partie des ressources sont entre les mains de 1% de la population aux dépens des autres 99% doit cesser. Une égalité raisonnable entre tous les citoyens, sans rapport avec leur origine ethnique, doit être rétablie.
Il n’y a pas de message social sans message politique, ni de message politique sans message social.
Les Juifs orientaux doivent être pleinement partenaires dans l’État, aux côtés de tous les autres secteurs de la population. Leur dignité, leur culture leur statut social et leur situation économique doivent être à leur juste place.
La confrontation religieux-laïques doit être reportée jusqu’à ce que la paix soit réalisée. Les croyances et cultes de toutes les religions doivent être respectés tout comme la vision laïque du monde.
La séparation de l’État et de la religion – par exemple en matière de mariage, de transports publics le jour du Shabbat – peut attendre jusqu’à la conclusion du combat pour l’existence.
La protection du système judiciaire, et par-dessus tout de la Cour Suprême, est un devoir absolu.
Les diverses associations en faveur de la paix, des droits humains et de la justice sociale, menant chacune son louable combat de façon indépendante dans son domaine d’élection, doivent entrer dans l’arène politique pour y jouer ensemble un rôle central dans le Front unifié du salut.